vendredi 17 décembre 2010

Les chasseurs DOZO

C’est un petit homme qui ne paie pas de mine, coiffé d’une casquette. A Man, une ville située à 800 km à l’ouest d’Abidjan, en zone rebelle, il attend le visiteur étranger devant l’entrée de son bureau installé dans les locaux décrépis du Parti démocratique de Côte-d’Ivoire (PDCI), l’ancien parti unique de Félix Houphouët-Boigny. Mais il ne faut pas se fier aux apparences : Bakary Koné est à la fois redouté et admiré dans toute la région des Dix-huit Montagnes, et bien au-delà. Il est le chef des dozos.
Les forces gouvernementales du président Laurent Gbagbo ont des équipements modernes achetés à grands frais à l’étranger et des mercenaires libériens. Les rebelles, eux, ont une arme secrète : ces chasseurs traditionnels qu’on dit dotés de pouvoirs mystiques et qui ont rejoint le camp des insurgés dès le début de la crise en Côte-d’Ivoire, à l’automne 2002. « Parce que le pays était gâté », explique doucement Bakary Koné, calé dans un vieux fauteuil élimé face à un bureau où trônent un ordinateur et un téléphone antédiluviens, tous deux recouverts d’une épaisse couche de poussière. Probablement parce qu’il n’a que faire de ces moyens technologiques encombrants. « Nous, les dozos, nous nous servons des tourbillons du vent pour délivrer nos messages à l’oreille de nos camarades. »
Ce n’est que l’une de ses nombreuses bottes secrètes, inconnues des non-initiés. Les dozos sont craints par leurs adversaires pour leur prétendue capacité à échapper aux balles, à se volatiliser en cas de danger et à se réincarner en l’animal de leur choix. Bakary Koné confirme bien volontiers : « Il me suffit de prononcer une petite récitation pour que de l’eau sorte du canon ennemi ou de lever la main gauche pour que son arme s’enraye. » Dès septembre 2002, les journaux pro-Gbagbo s’étaient alarmés de leur présence aux côtés des rebelles. Un Libanais né en Côte-d’Ivoire raconte : « Fin 2002, lors de combats à Daloa, une rumeur a parcouru la ville : un chef rebelle accompagné par les dozos s’était métamorphosé en boeuf. Les soldats loyalistes étaient terrorisés et tiraient sur tous les bovins qui avaient le malheur de croiser leur route. Ils en ont tué des dizaines... »
La réputation de ces mystérieux guerriers survit à tous les coups du sort, et ce n’est pas le moindre de leurs pouvoirs magiques. Présent à Bouaké, la « capitale » des rebelles, lors de l’offensive aérienne des forces de Gbagbo, en novembre 2004, un habitant témoigne : « Avant que la première bombe ne touche le sol, les dozos et les civils ont pris la poudre d’escampette pour se terrer dans les broussailles. Le lendemain matin, quand nous sommes revenus sur les lieux, les dozos ne voulaient plus nous voir à leurs côtés parce que, disaient-ils, c’était grâce à leurs fétiches que les bombes n’avaient pas explosé... » Au grand dam de ceux qui les avaient vu détaler comme des lapins, leur popularité s’est considérablement accrue à Bouaké.
Combien sont-ils ? Personne, pas même eux, ne le sait réellement. D’où viennent-ils ? « Nous existons depuis que le monde est monde », répond Bakary Koné. Dans l’histoire des « Blancs », on signale leur présence à l’époque du grand empire mandingue qui, au Moyen Age, couvrait une grande partie de l’Afrique de l’Ouest. De fait, on trouve des dozos dans le nord de la Côte-d’Ivoire, mais aussi au Burkina Faso, en Guinée, au Mali... Durant la Seconde Guerre mondiale, ils étaient légion dans les rangs des tirailleurs sénégalais. Puis, ils ont connu une longue éclipse en Côte-d’Ivoire jusqu’au début des années 90. Alors que l’ex-colonie française s’enfonce dans la crise politique et que l’insécurité grandit dans les rues d’Abidjan, on fait appel à eux comme gardiens. « Beaucoup se sont présentés comme des dozos pour trouver un emploi, confie un habitant de la capitale économique ivoirienne. Mais ils n’avaient de dozos que le nom... »

Car n’est pas dozo qui veut.

Pour faire partie de cette confrérie très fermée, il convient d’avoir été formé par un maître, si possible dès le plus jeune âge. « Il faut rouler avec lui dans la brousse, être son porte-sac durant des années, explique Bakary Koné. Si les parents confient leur enfant au maître vers 8 ou 10 ans, c’est mieux. Il sera mûr plus tôt. » Dans la forêt, le disciple va être initié aux valeurs de cette société secrète : respect des anciens, des ancêtres et de la hiérarchie, observance des codes de bonne moralité, sens aigu de l’honneur et de la dignité... Les vices tels que le mensonge, le vol ou la jalousie sont bannis. Il apprend à chasser les animaux sauvages avec un arc et des flèches empoisonnées. Mais on lui enseigne aussi des danses traditionnelles, dont certains pas singent la démarche des félins.
Lorsqu’il est jugé apte par son maître, le jeune dozo peut regagner sa famille et voler de ses propres ailes. Il peut aussi revêtir la tenue traditionnelle des chasseurs : un bonnet et une combinaison de toile piquée d’amulettes, de gris-gris de toutes sortes, de cordelettes et de morceaux de verre. « On reste dozo toute sa vie, précise leur chef à Man. Et si l’un d’entre eux trahit, même s’il se réfugie à Paris, il suffit d’un peu de poudre et d’un tourbillon pour le punir... » Durant sa formation, le dozo est également initié aux secrets de la nature. Les vertus thérapeutiques des plantes n’auront plus de mystère pour lui. Sortant de sa poche un modeste sac plastique contenant de la poudre noire, Bakary Koné assure qu’il n’a jamais vu un médecin de sa vie. « Le dozo soigne les paralytiques, les fractures, la tuberculose, les hémorroïdes », dit-il en priant son interlocuteur de goûter le remède miracle.

Pouvoirs mystiques.

Dans l’ouest de la Côte-d’Ivoire, où les affrontements entre communautés sont de plus en plus fréquents, les chasseurs traditionnels se sont disséminés dans les villages des dioulas (nordistes) pour « assurer leur protection contre les mauvaises personnes », confie Bakary Koné. Sur un mur défraîchi, il a accroché une photo de lui en costume traditionnel, au côté d’un officier français à l’air pincé. « Les militaires français sont nos amis. Nous n’avons pas peur d’eux. Ils ont leurs armes et nous, nous avons nos pouvoirs mystiques. » Un soldat de Licorne prévenu en vaut deux.

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